Le PRF dans la presse

Publié le par Ernesto

"Le Point, du 30/08/12 par Thierry Vigoureux

 

En 2013, le "pôle régional français", la nouvelle marque commerciale d'Air France regroupant les filiales Regional et Brit Air, exploitera 86 avions contre 93 actuellement. L'évolution de l'emploi se traduira, compte tenu des départs naturels non remplacés, par une baisse de 64 emplois de personnels navigants (5 hôtesses et stewards et 12 pilotes au sein de Brit Air sur un total de 587 personnels navigants ; 47 pilotes au sein de Regional sur un total de 409 pilotes). Un pilote d'Air France en sureffectif aura priorité sur son collègue de Brit Air ou de Regional pour rejoindre pendant trois ans Transavia et toucher la prime défiscalisée de mobilité qui peut aller jusqu'à 100 000 euros. Il semble que les miettes soient laissées aux compagnies régionales dans le cadre du plan Transform 2015 présenté deux mois après celui de la maison mère.

Trois comités d'entreprise se sont tenus simultanément aujourd'hui aux sièges des filiales : à Nantes pour Regional, à Morlaix pour Brit Air et à Orly pour Airlinair. Dans cette dernière créée et contrôlée par Lionel Guérin, le groupe Air France n'est qu'actionnaire. Aux ordres du jour, l'application à ces filiales des restructurations du plan Transform 2015. Il s'agit pour le groupe de réduire les coûts de 20 % et de réaliser deux milliards d'économies.

Les mesures en interne à négocier avec les syndicats ne sont guère séduisantes. Travailler plus pour gagner autant, ce qui accentue le sureffectif. Aussi chez Brit Air examine-t-on la possibilité d'externaliser des pilotes chez Garuda en Indonésie. Cette dernière vient de recevoir des CRJ 1000 construits par Bombardier et manque cruellement de pilotes pour les exploiter. Ce sont les mêmes appareils qui constituent le coeur de flotte de Brit Air. D'où l'expatriation possible.

 

Des filiales mal gérées

Ces filiales régionales sont dans le collimateur, car les deux tiers des pertes résultent de l'activité court et moyen-courrier, leur coeur de cible. Brit Air et Regional se sont concurrencées et assurent, pour le compte de la maison mère, avec leurs biréacteurs Bombardier et Embraer de nombreux vols entre les capitales régionales européennes, des correspondances avec le hub de Roissy-CDG et quelques vols au départ d'Orly. Un peu à part, Airlinair avec ses biturbopropulseurs ATR 42 ou 72 dessert les lignes courtes à faible trafic, généralement subventionnées dans le cadre des "obligations de service public". L'aide intervient dès qu'une ville est à plus de trois heures de TGV de Paris.

Si on ajoute les moyens des trois compagnies, on compte cinq familles d'avions, trois sièges sociaux, six centres de maintenance, une douzaine de bases, etc. Les synergies sont évidentes, à condition de faire abstraction des contingences politiques. Lionel Guérin, pressenti comme futur patron du Pôle régional français, assure que les élus n'interviennent pas. Mais va-t-on transférer Brit Air à Nantes pour fusionner avec Regional et fâcher Marylise Lebranchu, élue de Morlaix ? Ou faire l'inverse et mécontenter Jean-Marc Ayrault. Air France paye ici la prudence, voire la lâcheté de ses dirigeants lors des années fastes, qui n'ont pas osé réunir Regional et Brit Air de peur de voir les salaires plus élevés de cette dernière devenir la règle. Les experts s'étonnent de compter dans ces deux entités aux mêmes missions à la fois des avions Embraer et des Bombardier. N'apprend-on pas dès la première année de l'École nationale de l'aviation civile qu'il faut exploiter un seul type d'avion pour être rentable ? Le mal est fait, difficile à défaire, sans casse.

 

Ce second article date du mois de juillet, mais il a aussi toute son importance. Il ne faut surtout, selon nous, dissocier le sujet PRF, de celui du dévellopement de Transavia.

 

Alors que les salaires à Air France et à Transavia sont sensiblement les mêmes, pourquoi une prime très généreuse est-elle prévue pour les pilotes qui acceptent le transfert pour trois ans ? Elle doit inciter les navigants du secteur moyen-courrier très déficitaire et en sureffectif à Air France à partir travailler à Transavia, la low cost du groupe. Les montants annoncés sont faramineux et font hurler le personnel au sol pour qui cela représente plusieurs années de salaire. En moyenne, il s'agit de 30 000 euros pour un copilote et de 60 000 euros pour un commandant de bord, selon les chiffres recueillis par l'AFP, beaucoup plus, selon d'autres sources, qui évoquent cinq à six mois d'un salaire minimum mensuel de 10 000 euros. Le montant exact sera proportionnel au salaire de chaque pilote, se contente de préciser la direction d'Air France, expliquant qu'il s'agit "d'une rétrocession partielle des économies réalisées grâce à ces transferts".

Double vie

Pour un pilote, cette méga-prime serait considérée comme "une compensation correspondant à une perte de pouvoir d'achat". Il faut en effet se replacer dans le contexte. De nombreux navigants d'Air France ont une double vie professionnelle, puisqu'ils ne volent que 565 heures par an. Comme le montre notre enquête, certains pratiquent l'élevage, ont des vignes, enseignent, tiennent des commerces, etc. Une pratique qui deviendra impossible en travaillant à Transavia, où le nombre d'heures volées passe à 800. Et dans le même temps, le salaire ne baissera pas, restant sensiblement égal à celui d'Air France.

Au-delà de la question financière, l'intégration des pilotes d'Air France dans les cockpits de Transavia risque d'être difficile. Habilités à piloter des Airbus 320, ils devront tous suivre deux mois de cours et passer de longues heures au simulateur pour obtenir la qualification sur Boeing 737. Coût : 20 000 euros par pilote, payés par Transavia. D'autant qu'il est prévu que les copilotes d'Air France deviennent commandants de bord à Transavia. Les navigants de la compagnie low cost sont donc sacrifiés.

Sécurité des vols

"Nous sommes considérés comme incompétents face aux seigneurs d'Air France", déplore un pilote de Transavia. La règle dite de séniorité qui repose sur l'ancienneté dans la compagnie n'est plus respectée. Sinon, tous les pilotes d'Air France (copilotes comme commandants de bord) transférés à Transavia devraient passer par la case départ comme copilotes en place droite dans le cockpit... Impensable et, pour le coup, très coûteux.

Ce mode de fonctionnement qui bouscule la culture d'une entreprise est-il compatible avec la sécurité des vols ? Plusieurs accidents passés (Boeing 747 à Tahiti, Airbus 340 à Toronto) montrent que les risques pris sont réels. Dans des conditions de vol difficiles, les facteurs humains font resurgir les antagonismes entre les individus, comme celui d'une feuille de salaire figée pendant des années par l'arrivée d'éléments extérieurs. Bon voyage.

 

"Le Point" du 26/07/12, par Thierry Vigoureux

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